Versions

Voir le soleil ce matin me donne le coup de fouet dont j'ai besoin ; je fais le tour du jardin, les plantes sont couvertes d'une fine buée, je me trempe les pieds en dix secondes ; au-delà d'Ansouis qui fait l'île déserte, le brouillard dessine des vallées invisibles autrement. Je reste à la maison ce matin, j'achève de relire ce que je m'étais fixé et cet après-midi, je file dans ma réserve à la bibliothèque de Cadenet ; je m'attelle à la quatrième version du Corail. J'étais anxieuse, mais je ne le suis plus, treize pages plus tard... Ce soir l'euphorie du travail, demain matin, je me connais, ce sera une autre chanson , il me faudra beaucoup d'incantations et de rites magiques et aussi un litre de lapsang souchong. Je me sens exsangue et sans moelle après ça, mais il me tarde tout de même d'être à demain matin pour continuer.
Ce soir, une cigarette à la main, B* et moi regardons l'orage de la terrasse ; nous parlons d'écriture et du plaisir de créer une histoire qui n'existait nulle part ; avec une craie magique on dessine une porte, une fenêtre, elles s'ouvrent, on sort et on dessine au fur et à mesure ce qu'on souhaite voir. Enfin, ce n'est pas tout à fait aussi simple pour moi, mais dans mes rêves, ça marche à peu près comme ça... Je parle de rêves et c'est étrange de sentir à quel point un roman qu'on écrit s'insinue dans les fibres de cette vie nocturne, de même ceux qu'on lit. Parfois, pendant un centième de seconde, on hésite devant le nom d'un personnage, on ne sait pas déterminer s'il fait ou non partie de la vraie vie, un peu comme lorsqu'on est confronté sans s'y attendre à sa propre image dans un miroir, un bref instant une fissure s'insinue, une sorte de doute... Ce n'est pas toujours déplaisant, seulement déroutant.
Impossible pour l'instant de regarder un film, l'orage rôde. Je profite de l'ordinateur portable qui ne craint pas les coups de foudre et du fait que la livebox soit protégée aussi pour rédiger ce billet.