Prosélytisme

Comment se fait-il qu'aujourd'hui soit si différent d'hier ? Il neige doucement à gros flocons, les petits chats sauvages et leur mère campent sur la terrasse pelotonnés à l'abri, les poissons restent invisibles sous la couche de glace de leur baquet percée par les tiges fanées des iris d'eau. Paysage d'hiver. Pas de coupure d'électricité, les guirlandes grossières de plusieurs maisons clignotent et le jour et la nuit pour annoncer le solstice. Foin du mystère, du séduisant danger de ce sommeil de graine où nous sommes entrés, les petits hommes se démènent pour ne penser à rien et se moquent à tue-tête de ceux qui préfèrent le silence pour réfléchir, douter peut-être... Ce prosélytisme de la vulgarité me terrifie et je ne me sens pas de taille.
Il faut que je m'occupe du bois  : 16° dans la maison, les chats domestiques sont devant le poêle encore éteint et se demandent pourquoi à 11h je ne me montre pas plus active. Allons les bestioles, laissez-moi me déplier lentement et ordonner mes idées. Bernard passe le weekend à Montpellier, Alaïs n'a pas encore émergé de son lit ; moi je suis encore déboussolée par ma semaine à Londres avec mes élèves et d'autres choses.
De Londres, je ramène la photo d'un graffiti du désormais célèbre Banksy. Il me console de la médiocrité ambiante celui-là, mais les lois du commerce tentent de le phagocyter lui et ses commentaires acides sur nos us et coutumes d'humains. Cette semaine, même Telerama cite un aphorisme que j'ai fait mien depuis longtemps :

Les gens qui vous connaissent bien prêtent rarement attention à ce que vous dites ; en revanche, ils prennent souvent pour parole d'évangile ce que raconte un inconnu dans un livre ou une chanson. Donc, si on a quelque chose à dire et qu'on veut être écouté, il faut porter un masque ! Pour rester honnête, il faut parfois vivre dans le mensonge.

Il va falloir que Banksy change de masque, se refasse une invisibilité : déjà sa voix est moins audible.

Ces blogs comme le mien et ces pages qui sont autant de visages masqués et de voix déguisées, que veulent-ils vraiment faire entendre ? Moi, c'est une façon de parler à haute voix pour me rassurer, comme lorsqu'on chantonne ou sifflote dans une rue déserte la nuit.