Promenade au lac

Hier, retour à une promenade favorite. Passages ensoleillés, l'air me semble doux malgré décembre et la neige partout ailleurs, pourtant avant le croisement des Vaucèdes la source qui d'ordinaire suinte librement au talus est figée dans la glace. Je ne croise qu'un cowboy solitaire accompagné de trois chevaux dont un seulement est sellé. Il les laisse paître dans un rond de soleil.
Arrivée sur la berge nord du lac je suis surprise par l'agitation des canards qui jettent aussitôt des alarmes et sont rejoints par les pies et les corneilles. Grands battement d'ailes, branle-bas de combat, les oiseaux du lac si paisibles semblent effarouchés par ma présence. Je suppose que la saison de la chasse les rend méfiants. Je me rends compte de l'absence de bruits humains lorsqu'un petit avion survole le lac en cercles assez hauts. Le pilote coupe les gaz et je vois l'appareil piquer vers l'eau en une longue glissade - je sais qu'il s'agit d'un exercice, ce petit appareil nous casse les oreilles chaque semaine - néanmoins je retiens mon souffle : l'avion rase la cime des peupliers en chuintant, le pilote rallume le moteur d'un coup et je respire à nouveau. Je le regarde s'élever lourdement et je peste, il m'a fait peur, l'imbécile.
Bernard fait de la musique, Alaïs dort encore à mon retour.

Après-midi à Aix. Je voulais voir avec Bernard l'exposition Electronic Shadow de Naziha Mestaoui et Yacine Aït Kaci au musée Granet mais je trouve porte de bois, c'est lundi. Pourquoi m'étais-je mis en tête que le jour de fermeture du musée c'était mardi ? Il y a trop de monde en ville occupé à célébrer Noël dans les commerces pour que déambuler sans but soit agréable aussi nous prenons refuge au cinéma. Nous voulions voir Quartier lointain de Sam Gabarski d'après le manga de Jiro Taniguchi mais là aussi nous devons renoncer. C'est le film de Nicole Garcia qui passe, Un balcon sur la mer. J'hésite, Jean Dujardin j'avoue que ce n'est pas ma tasse de thé et là surprise - il est infiniment émouvant dans le rôle de cet homme qui se souvient d'un amour d'enfance à Oran. Bernard et moi sommes émus par ce film qui se déploie lentement. Peut-être nous touche-t-il davantage parce qu'il s'associe à des paysages familiers de ce côté de la méditerranée (Aix, Cassis), parce qu'il évoque une époque familière et pourtant inconnue.

Eleven Kind of Loneliness, c'est le recueil de nouvelles de Richard Yates qui m'accompagne ce soir. Là aussi, le début des années 1960. C'est curieux comme cette période où je suis née me semble à la fois aussi peu tangible et aussi proche que 1860 ou 1760. Les souvenirs de la vie vécue se mêlent aux images des films et des romans, je n'attribue plus de réalité aux premiers que par convention ou habitude.