Dans l'anachronisme
Les roses se momifient, s'effrangent ou bien éclosent au jardin. Je n'aime pas la nostalgie, je la déteste. Je ne regrette pas l'été, les saisons qui passent. Ce que j'aime, c'est les voir se rassembler en cercles, de grands cercles concentriques autour de nous, serrés au point de l'enchevêtrement, et là chercher des ponts pour aller de l'une à l'autre, voyager dans le temps sans mélancolie. Ce que j'aime, c'est découvrir ce qu'il y a de nouveau à sentir en entrelaçant les impressions du présent et du passé. Écrire, c'est un bon moyen d'en garder une trace...
Ce matin, j'explore le lit d'un torrent asséché, les dernières pluies y auront transporté du bois, pin écorcé, peuplier blanc, chêne mort farci de fourmis brûlantes (ça pique...) : je fais feu de tout bois, le temps fraîchit, mais c'est surtout un prétexte à me tenir au soleil, anachronique, loin du temps et de ses convulsions. J'adore avec mon
appareil photo regarder de tout près ce qui se trame dans une bûche
abandonnée. On y découvre d'étonnantes collusions : du bois pourri d'il y
a deux ans au plus, un coquillage qui date du temps où Cabrières
d'Aigues formait le lit d'une mer qui ne devait pas encore s'appeler
Méditerranée - cela m'enchante.
Après le soleil, la pluie. Le plaisir d'allumer le poêle d'en haut, le poêle d'en bas est sans mélange. Écrire au son des flammes qui crépitent, un chat à mes côtés ça sent son petit cliché - le genre de cliché qui défrise certains citadins mais qu'est-ce que c'est bon ! Et tiens, je vais même me faire une tasse de thé histoire d'en rajouter dans le côté écrivain bobo...
Longue et bonne conversation téléphonique avec mon père sur le pouvoir de l'écriture et de la lecture. Il me manque.