Muette

Je meuble le silence en lisant. J'ai fini la biographie de Mary Jane Gold, Marseille Année 40, une femme étonnante, d'une folle indépendance, une véritable héroïne qui devrait servir de modèle à beaucoup. Une femme intègre, généreuse et lucide, qui savait voir et écouter sans jamais verser dans la grandiloquence ou l'hystérie et qui surtout se dispensait de donner des leçons - c'est plutôt rare. On ferait un film merveilleux de ce livre qui n'a eu aucun succès ni aux Etats-Unis, bien que parrainé par Jacqueline Kennedy, ni en France. J'imagine qu'elle balaie allègrement quelques idées reçues qui dérange les chromos que nous souhaitons conserver au sujet de cette époque.

Dans la foulée j'ai lu le dernier roman de Philip Roth. Le titre me plaisait, Indignation, un sentiment qui m'anime souvent. Je suis assez fière de découvrir que Roth se sert du même stratagème romanesque que moi dans Sénomagus... sauf que bien sûr la ressemblance s'arrête-là, et que lui développe les thèmes que j'effleurais - l'amour filial qui étouffe, la représentation de la mort - et les amène à des années-lumière de là où je me suis arrêtée.

Découverte d'une série qui m'époustoufle, Damages, où Glen Close reprend d'une certaine manière le personnage de Madame de Merteuil dans les Liaisons Dangereuses de Frears. La narration est virtuose, le spectateur aussi bien que les personnages sont manipulés de A jusqu'à Z, le suspense est haletant. La photographie est grandiose, les acteurs parfaits. Ce type de série, c'est en fait du cinéma de grande qualité. J'ai eu le même sentiment lorsque grâce à Elise j'ai découvert Madmen. Et quel bonheur, il y a 32 épisodes de 60 minutes chacun...

J'adore devoir garder le silence. Jusqu'à jeudi, pas un mot, et de la cortisone pour soigner mes cordes vocales. Ce doit être la saison qui veut ça. Je prépare quelques cours, corrige des copies, continue les diverses réservations pour le voyage des secondes à Londres, mais c'est tout.

Pris des photos samedi dans Avignon. Photographier, manipuler, donner à voir seulement ce que l'on veut bien. Cadrer, c'est déjà modifier la réalité, plonger dans la fiction, en aucun cas être... objectif.