Passage

Aujourd'hui Alaïs a dix-huit ans, bac en poche avec mention, un joli 15 en philo que le brouillon de sa dissertation sur le sujet de la mémoire et l'avenir laissait présager. Voilà, elle a sacrifié au rite de notre tribu, la voilà apprentie adulte.

La campagne vibrionne de soleil et de bruits : pies, cigales, débroussailleuses. Je n'ai pas envie de fermer volets et fenêtres pour conserver le cœur frais de la maison, alors je surveille le thermomètre, la frontière, c'est 23° à l'étage. Le rez de jardin, lui est toujours frais, j'y garde une petite laine.

Hier, en revanche, dans l'imposant lycée international à Luynes construit à grands frais par l'un des nombreux architectes qui ne comprennent rien à notre climat et privilégient les verrières grandioses sans jalousies, il faisait une chaleur étouffante dans les salles où nous nous sommes réunis pour l'annuelle cérémonie de délibérations du bac. Qu'on se rassure, les coefficients outranciers des matières professionnelles ou technologiques ainsi que les barèmes de correction tirés par les cheveux assurent le candidat de la réussite même avec 05 en français et en maths. L'éducation nationale pourra se vanter une nouvelle fois de résultats de république bananière, les 80 % d'une classe d'âge au bac sont assurés sans surprise, après le bac le déluge...
Dans l'après-midi nous partons dans la Drôme, Alaïs y passera quelques jours avec ses grands-parents. Nous reviendrons dans la nuit, si demain matin un candidat privé de notions arithmétiques élémentaires choisit de passer anglais à l'oral avec son ridicule coefficient 2 au lieu de mercatique et son coefficient 7 ou 8, il faudra que je sois à Luynes avant neuf heures - pas envie d'être sur la route à 6 heures du matin.
Allez, c'est l'heure de fermer tout, Bernard vient de se mettre à la débroussailleuse lui aussi, et je veux travailler. Oh, les lames de l'engin passent sur les sauges et les menthes sauvages - ce parfum, c'est le plein été.