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Portes et Miroirs, tome II
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5 août 2009

Llanrhaeadr-ym-Mochnant

P1050690









J'essaie de prononcer le nom de ce village tout proche de Llanganog, mais je ne sais pourquoi ni comment, ma langue butte aux mauvais endroits contre mes dents, mon palais, l'air siffle et gargouille ; au final, le nom est en bouillie, aucun Gallois ne reconnaîtrait le village où fut tourné en 1995 un film que j'avais beaucoup aimé, The Englishman who Came up a Hill but Went down a Mountain - une de ces histoires épiques et absurdes filées à partir d'un évènement minuscule, exactement comme je les aime. Le cheval de John et Christine y a tenu un rôle, ainsi que beaucoup des habitants de la région. Des scènes importantes ont été tournées au pub et les gens d'ici aiment toujours à en parler. J'imagine que l'histoire du tournage, depuis 1995, a dû gonfler aux dimensions d'un mythe, imagination et bière formant un puissant levain...
Hier, Bernard et moi avons été heureux de paraître plus de 25 ans et de n'être pas accompagnés de notre fille de 17 ans sans quoi, de la bière, nous n'aurions pas pu en acheter... en effet, deux grandes chaînes de supermarchés, Tesco et Sainsbury ont décidé d'interpréter les lois votées pour tenter de mettre un frein aux beuveries des jeunes et refusent de vendre de l'alcool aux moins de 25 ans ainsi qu'aux adultes accompagnés d'un jeunot - on les soupçonne de fournir en douce à la jeunesse du pays les moyens de s'ennivrer... Voilà une raison supplémentaire d'habiter mon âge avec gratitude et de ne plus aller faire de courses à Sainsbury.
Pendant qu'un ragoût mijotait sur le feu pour notre repas du soir, Alaïs et moi sommes allées rendre visite au cheval de John et Christine, une jolie bête amicale à qui nous avons offert pansage, pommes et conversation. Son pré est situé derrière une belle église médiévale - dans l'enclos du cimetière, un if pousse dont on dit qu'il a mille ans et je veux bien le croire. Pour arriver là, il faut conduire le long d'une route minuscule où de loin en loin sont ménagés des espaces pour se croiser, une occasion de se saluer avec la plus grande courtoisie du monde. Hier soir, j'ai dû céder le passage, dieu merci, je n'ai pas eu de marche arrière à faire. Je n'éprouve pas de difficulté à me servir de ma main gauche pour passer les vitesses, mais je trouve étrange de faire une longue marche arrière en me tournant du côté gauche. Je trouve très intriguant la façon dont notre cerveau prend ses marques dans l'espace et comme le monde est sensiblement altéré lorsqu'on le regarde d'un point de vue qui ne nous est pas coutumier, étrange ou plus beau, neuf en tout cas. Ici les couleurs flambent et ce n'est pas dû au point de vue d'où je les absorbe : les verts, les gris, les blancs, les rouges ont une présence que je n'ai jamais enregistré ailleurs, une texture qui leur est propre, indépendante de la feuille, du mouton, de l'ardoise ou de la boîte aux lettres qui forment leur support.
Aujourd'hui, un phénomène météorologique intéressant : du bleu au ciel, une lumière dorée, une brise tiède. Alaïs et son père retournent voir le cheval à Pennant Melangell. Je reste devant mon clavier. De temps à autre je remue les charbons ardents du bout du tisonnier, je contemple la clématite violette, le ciel lacustre découpés à la fenêtre. J'apprécie chaque minute passée ici, le temps aussi, je le vois d'un point de vue différent.
Tout à l'heure, nous irons à Bala ; un festival gallois s'y tient : musique, chant, poésie, cuisine, fleurs, fruits, légumes, tout y sera prétexte à une compétition décrite comme acharnée.

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