Comment sera cette journée ?
Quand
je me lève, je me pose cette question. Ce n'est pas que je la formule
ainsi mot à mot, c'est plutôt une sensation, je me lève et aussitôt je
sens cette question en filigrane. Souvent, quand j'ouvre les volets,
j'obtiens un premier élément de réponse. Aujourd'hui le ciel est haut,
vaste, l'air en nappes étales. J'entends ronronner une tronçonneuse au
loin et je pense à la mer que j'ai envie de voir et de respirer. C'est
curieux comme les sensations d'un souvenir peuvent m'immerger. Je sens
l'air cru sur ma peau, l'odeur du sel et le moteur de la tronçonneuse
se transforme en moteur de zodiac, je longe cette île à quelques
encablures de la Ciotat et qui ressemble à un oiseau, l'Île Verte je
crois ; derrière, les chantiers, les grues et les carcasses de navires
, sous moi l'eau est bleu marine, évidemment, limpide, je survole un
champ de posidonies.
Ce matin, A. renonce à
une disposition qu'elle avait prise, elle est allée à un concert avec
son père hier soir. Elle a discuté avec les gens, des adultes pour la
plupart, et elle avait sans doute ce genre d'assurance que je surprends
parfois chez elle.
Je lis des scripts, je tombe sur cette réplique de Woody Allen dans The Curse of the Jade Scorpion et qui m'enchante et me fait rire :
- You know, there's a word for people who think everyone is conspiring against them.
- I know, perceptive.
(- Tu sais, il ya un terme pour désigner ceux qui pensent que tout le monde complote derrière leur dos.
- Oui, lucide.)
J'établis
une liste de priorités : me refaire du thé, aller m'éclaircir les idées
au jardin, remettre bout à bout certaines scènes de mon Corail que
j'avais démantibulées et retravaillées et vérifier que les rouages
fonctionnent.
Ce soir, à 21h au Hakuna, je ferai une lecture de mes Fantômes de Sénomagus,
ça me fait plaisir de les retrouver. Marie m'avait dit que c'était bien
que le livre vive un peu sa vie tout seul et d'en reparler quelques
mois et quelques lecteurs plus tard. Je découvre
un relecteur enthousiaste, je ne l'aurais pas imaginé, en la personne
du maire de mon village... Au fond, ça ne devrait pas m'étonner, c'est
un entomologiste et un botaniste passionné.
Je
repense à la conversation que nous avons eu HN et moi sur la nécessité
de préserver la réflexion, mise à mal entre injonctions et cupidité,
comme entre enclume et marteau.
Cet après-midi, j'ai tourné et viré sans pouvoir me décider à rouvrir mes fichiers ; j'ai coupé court à mes tergiversations et suis allée chercher du bois dans la colline. Au retour, tout était clair, j'ai écrit presque 7000 signes d'un seul trait. Enfin, ce n'est pas juste ce que je dis là, j'ai retaillé, remis en forme une scène qui existait et j'ai pu l'écrire d'un bout à l'autre et lui donner la fluidité qui lui manquait. J'y reviendrai plus tard.
Ce soir nous sommes allés manger au Hakuna ; à 21h Danielle Alégria Fanton et moi avons lu des textes extraits des Fantômes de Sénomagus, puis Marie et moi avons parlé de nos expériences de premiers ouvrages édités, il y a eu la petite séquence de dédicace, la récompense, le plaisir de rencontrer lecteurs et re-lecteurs. J'ai une tendresse toute particulière pour ceux-là !