Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Portes et Miroirs, tome II
Pages
19 février 2009

Où il est question de joie

P1030646












Entendu ce tantôt le cinéaste Théo Angelopoulos égrener des souvenirs. Ce qui le frappe dans le monde contemporain, c'est le manque de joie. Il trouve que les gens n'ont pas d'entrain, pas d'élan, que les jeunes n'ont pas d'autres projets que celui d'avoir une carrière et une vie confortables. Il a l'air d'éprouver la nostalgie du temps de sa jeunesse où la joie était présente malgré les tragédies traversées. Il évoque une rage de vivre qui lui paraît absente de nos jours. La société distille l'impression qu'il est inutile de lutter, l'horizon n'offre aucune perspective, pas de relief. Aller de l'avant, mais pour aller où ? Pas de souffle, pas d'élan, une époque catatonique, dit-il. Peut-être. Ce genre de discours n'est-il pas un peu convenu ? C'est vrai, vu de la télévision, des radios et des journaux le monde a l'air à feu et à sang mais personne ou presque  ne bouge à part des manifestations pour le pouvoir d'achat, ce refrain dont on nous rebat les oreilles. Ce serait tout ? Heureusement, je ne crois pas. De la joie et de l'élan, il y en a, sous d'autres formes qu'il y a quarante ou cinquante ans et peut-être que Théo Angelopoulos est simplement nostalgique. Enfin je l'espère, je n'aimerais pas qu'il soit clairvoyant. Parfois, quand je regarde mes élèves qui s'ennuient enfermés en classe, je me dis effectivement qu'il leur faudrait un peu de mistral intérieur pour les soulever, balayer leur toiles d'araignée, mais je me dis que moi aussi je serais catatonique si on me bassinait toute la journée avec la nécessité de mettre l'entreprise au coeur de l'école pour que je puisse trouver un boulot et conquérir le pouvoir d'achat qui fait défaut à mes parents. C'est vrai, si toute les perspectives de joie offertes par la société que nous avons construite   se concentrent uniquement sur la question du maintien, du recul ou du développement du pouvoir d'achat, alors il n'y a pas de quoi se sentir joyeux et plein d'élan. Tout au plus peut-on espérer le plaisir ; selon la source où on va le boire, l'exultation du corps peut s'étendre à l'âme (que je me figure comme un petit os de seiche blanc crémeux situé juste au-dessus du plexus solaire, je ne sais pas pourquoi), et après avoir goûté la joie, pourquoi ne pas s'essayer au bonheur ? Lui, je me le figure sous la forme de petites perles dures et brillantes qu'il faut tâcher de rassembler sur un fil solide pour s'en faire une sorte de parure et d'amulette tout à la fois, sinon l'impression que le bonheur est rare est écrasante. Je pense au collier de perles que la Bête offre à la Belle dans le film de Cocteau : splendide dans leurs mains, ordure calcinée dans les mains de ceux qui les méprisent. Pour autant, ce collier n'est pas une illusion.

Belle_d_tache_son_collier

Je crois que je vais travailler la question de la joie dans ma demeure avant de l'exporter par petits cercles concentriques comme un caillou jeté dans l'eau.


Publicité
Commentaires
Portes et Miroirs, tome II
Publicité
Portes et Miroirs, tome II
Newsletter
Derniers commentaires
Archives
Publicité