La moisissure bleue
Pas d'entrain au travail aujourd'hui,
j'ai froid et j'ai mal à la tête. Je demande à mes élèves de seconde de
créer un blog où ils feront des articles en anglais. Je tâche de leur
faire dire la différence entre journal et journal en ligne, ce n'est
pas si simple. Certains savent parfaitement se protéger et manipulent
pseudonymes et avatars mieux que Fandor et Fantômas, d'autres se
sentent protégés par ce support immatériel : un défaut électrique, un
hoquet sur la toile et tout peut disparaître, ça les rassure. Moi non.
Ce matin, pour la première fois de ma vie, j'ai eu envie de fermer ma
maison à clé. Je craignais qu'on ne me prenne mon ordinateur et toutes
les pages qu'il contient. Absurde, tout est en sûreté sur des clés USB,
dans une boîte mail accessible de n'importe quel poste etc...
complètement irrationnel. Surtout que je n'hésite jamais à faire le
ménage dans mes fichiers, mais ce matin, j'ai décidé d'emporter mon
portable avec moi... je crois que ce sont les microbes qui tentent de
coloniser mon organisme qui me perturbent.
Blottie dans un duvet au coin du feu, vu un très étrange film, Little children,
de Todd Field avec Kate Winslet. Tous les ingrédients d'une comédie
dans une de ces banlieues policées de la petite bourgeoisie américaine
; une voix off lit un texte très écrit et introduit une distance entre
ce qui est montré par la caméra et l'histoire racontée. Insensiblement
la surface se craquèle, les angles droits sont faussés et tout est de
guinguois. Un film que je vais sans doute ressasser, ce n'est pas le
coup de foudre, mais je sens que j'aurai besoin de le revoir.
Dans
le feu, j'ai mis une bûche qui portait une moisissure d'un bleu
incroyable. Je l'ai prise en photo, évidemment ça ne donne pas ce que
je veux montrer mais je sais que cette photo sera comme un pense-bête
pour moi : juste une trace qui me permettra de retrouver le souvenir
intact de cette couleur n'importe quand.