Heureux présage

Dehors, il pleut. Les ciels du matin, du soir ressemblent à ceux d'Angleterre lorsqu'un rayon perce les nuages. La lumière diffractée dans toute cette humidité transforme la moindre feuille, le plus frêle brin d'herbe  en précieux joyaux, une illusion, elle est plaisante, je m'émerveille.
Dedans, j'oublie la pluie dans un travail sur les infimes ressorts et rouages d'un texte ; dans une  broderie  chaque nuance, chaque matière, chaque point dessinent un paysage d'une infinie précision  sur l'endroit de l'ouvrage ; sur l'envers, on ne doit plus voir les noeuds et c'est encore un autre paysage. Le ciel ne pèse plus, j'oublie tout ce qui n'est ce travail . Je dois faire provision d'énergie et de détermination à poursuivre l'ouvrage entrepris. Je mesure ma chance, je remercie le hasard et les émissions de radio. Si un dimanche je n'avais pas été en retard pour aller faire de la spéléo avec des amis, je n'aurais pas entendu l'émission de Kriss sur France Inter consacrée à Hubert Nyssen, écrivain, éditeur, et je n'aurais rien su d'un million de choses qui me semblent indispensables aujourd'hui.
Ce soir, dans le faisceau des phares je reconnais la silhouette grotesque d'un crapaud qui traverse la route, le premier de l'année. Je pense à Colette qui les aimait pour leurs yeux dorés, je décide que c'est un heureux présage et je ralentis ; le printemps n'est peut-être pas si loin, il faudra que je rende visite aux amandiers demain.