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Portes et Miroirs, tome II
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6 octobre 2010

Une forme de sérénité

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L'été ne finit pas ici. C'est vrai, il y a bien eu cet intermède, trois jours de brumes matinales, 5° au thermomètre, vite sortons les pulls, ma longue veste noire à capuche qui me fait une traîne dans les escaliers, flotte avec élégance dans le mistral et incite mes élèves à siffler le thème de Star Wars lorsqu'ils me dépassent dans les corridors - Dark Vador est dans nos murs. Évidemment, j'ai eu tort de me réjouir trop vite, je me voyais déjà assise, frileuse, devant le feu, un bon bouquin à lire, un bon vin dans mon verre - eh oui, j'aime l'automne et j'aime l'hiver, et le printemps aussi, c'est l'été que j'aime moins : je m'y sens seule.

Le matin, de nouveau, j'écoute la radio. Mes chroniqueurs préférés n'interviennent plus aux mêmes heures, je me sens un peu perdue, pour les retrouver, il me faut le secours d'internet. L'actualité telle qu'elle est dépeinte, déformée,  dissimulée, me navre, me navre, me navre. J'entends que l'être humain est la seule espèce dont le mâle tue les femelles. On connaît les veuves noires et les mantes religieuses qui dégustent leur mâle jusqu'à la dernière miette, mais on n'avait jamais vu l'inverse.

Maud me demande si je trouve une forme de sérénité dans l'écriture. Je ne sais pas répondre. Ce n'est pas un état que l'on atteint une fois pour toute, mais parfois, il m'arrive d'oublier pendant d'assez longs moments les raisons que je peux avoir de ne pas l'être, sereine. Je souris, et je suis du genre convainquant. Lorsque j'écris de la fiction, il semble que les barrières s'effritent, et les premiers jets ont des relents de crypte, ou pire, dégoulinent de sentimentalité. Après, le vrai travail commence, et là, je suis sur un chemin qui peut conduire à un moment de sérénité. Les instants sereins, c'est ici, sur cette sorte de journal en ligne. La conscience de donner une forme particulière à la pâte des jours me réconforte. Chaque journée redevient unique, du temps précieux qui me remplit et fait de moi un individu distinct. En quelque sorte, en écrivant ici, je me nomme, je trace mes contours et je colorie à l'intérieur - ça me fait du bien, une forme de sérénité.  Nous en parlons avec Muriel, aujourd'hui justement. Je la sens mûre pour l'exercice, je lui conseille le pseudonyme - les phrases à fleur de peau se transforment aisément en flèches et ce n'est pas son genre.

Écrire un roman, une nouvelle ou un poème, c'est différent, bien différent. Je suis inquiète si je suis encalminée, inquiète si j'arrive à bout d'une étape, inquiète si je décide de ne pas écrire. Mais les moments de plaisir, pour être brefs, sont intenses. Du feu d'allumettes...

Bernard a le visage hâlé, il travaille au jardin, et l'idée de retourner en classe fut-ce pour une heure en bénévole pour démonter les arcanes du scrabble avec les mômes, le fait frémir. Il goûte à la liberté d'exister autrement que par son travail.

J'ai le sentiment que la classe politique passe à côté d'une véritable réflexion sur l'organisation de notre société : chaque projet semble viser un terme ridiculement court. Elle parle par exemple de la retraite et des droits des femmes d'une façon anecdotique, alors qu'elle devrait prendre le temps de réfléchir aux valeurs et au sens que nous voudrions donner à nos vies. Il ne manque pourtant pas de gens qui aiment et savent réfléchir parmi eux, mais tout semble devoir s'incliner devant l'économie, l'argent : Moloch ? Dans la rue, dans les blogs et les forums, les citoyens lambdas se posent des questions.

A l'heure du déjeuner, dans la salle des profs, autour de nos pique-niques respectifs, la conversation roule sur notre rapport à la religion. Pour moi, le ciel est vide, ce qui ne m'empêche pas de le scruter.

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