Une journée au bord de l'océan

Oh, comme on respire, que le ciel est vaste ! L'air roule, je me crois au bord de l'océan... La journée s'annonce belle.

Conversation avec mon père au téléphone, un de leurs chats est blessé. Les chats ne sont pas que des chats : il arrive que la frontière entre les espèces soient gommée, et je sens à sa voix qu'il est malheureux. Le soir j'appelle ; il me semble que l'atmosphère est plus légère, mais il arrive si souvent qu'entre représentants d'une même espèce des barrières soient dressées, des voiles jetés -  par dignité, pudeur, amour ou refus d'inquiéter -   qu'au fond je ne suis sûre de rien. Dans la semaine, je leur rendrai visite.

La journée passe trop vite entre travail et d'autres conversations qui m'aident à démêler plusieurs écheveaux en douceur. Je raconte certaines scènes avec mes élèves qui m'ont touchée. Quelque chose m'amuse, c'est l'impossibilité de brosser avec objectivité le sentiment du passage du temps. Les scénettes que j'évoque ont au plus duré quelques minutes, il m'en faut autant pour les restituer et cependant l'impression que j'en donne et le souvenir que j'en ai occupent un temps subjectif infiniment plus long... J'ai lu autrefois quelque chose sur le sujet -  le temps de l'enfance représenterait 60% de notre vie éveillée, les quelques soixante-dix autres années contractées dans le reste... D'où peut-être le souvenir d'avoir piaffé d'impatience ; chaque centimètre supplémentaire sur la toise correspond à de la liberté conquise, un champ d'action plus vaste, et dieu que ces centimètres sont pénibles à gagner... Et puis un jour, les vœux sont malheureusement exaucés, le temps dont nous sommes les passagers effarés accélère, les manettes de contrôle dissimulées, difficiles d'accès ou carrément hors de notre portée.

Bernard passe la soirée  avec les autres musiciens de Kan-B ; ils repèrent les lieux du concert de samedi, à La Bicock, sur le cours Julien à Marseille.

Je regarde un autre épisode de Middlemarch, cette série produite par la BBC. J'adore le ton condescendant de certains critiques de Telerama sur ces séries dites à costumes de la BBC... Personnellement, je m'en délecte et retrouve la plupart des sensations que j'avais en lisant le roman, les personnages s'accordent avec ceux de mon imagination, et je ne vois aucun obstacle au déploiement de cette fresque sociale, politique et sentimentale. Comme dirait Hitchcock, c'est premièrement une bonne histoire, deuxièmement, une bonne histoire, et troisièmement, une bonne histoire... Hélas, je ne pourrai pas prêter le DVD à mes parents, il n'y a pas de sous-titres.