Récolte
Pas de dromadaire dans la Drôme, pas d'austères dunes, seulement un jardin sous la pluie et des chats qui s'ennuient. Je rentre chez moi tout de suite après un déjeuner en famille, sitôt la Durance franchie, le ciel s'éclaircit. Je me mets à la cueillette des olives, les gestes sont apaisants, la conversation aussi. Pour la première fois cette année, nous pourrons porter notre récolte au moulin sans rougir.
Cette nuit, j'ai déambulé dans les souterrains d'une ville médiévale, j'allais à contre sens ; par un escalier étroit, j'ai émergé sur une place en terrasse, le soleil illuminait une vallée loin en dessous, de l'eau miroitait. En approchant du bord, j'ai cru voir des fontaines dans un jardin bien ordonné, mais non, c'était un large fleuve qui avait débordé. Les vagues se succédaient, le fleuve s'est changé en mer, se creusait d'une houle profonde, une respiration de géant. L'écume frisait sur le parapet de pierre, l'air était doux, je ne pouvais pas me résoudre à m'éloigner.
Dans la voiture, j'ai écouté Alain Rey qui évoquait Henri Pichette : j'entendais ce nom pour la première fois. Un acteur a lu quelques extraits des Odes à chacun : je m'émerveille de l'évident plaisir du poète à jouir de toutes les ressources de la langue française - il fourrage dans les mots, ordinaires, rares ou précieux, compose avec eux une partition délicieuse.