Paresse partielle
Je pose de continuels lapins à ce blog. Dans ma tête je rédige d'importantes et indispensables communications qui devraient illuminer jusqu'à la face cachée de la lune et puis, de fil en aiguille, d'une lecture à une autre tâche - quoi ? Je n'aurais donc plus le temps ? Non, le temps n'est pas une excuse. J'ai toujours trouvé le temps de tout faire : lire, écrire, préparer des cours, corriger des tas de copies (oui, oui, je procrastine souvent, mais le couteau sous la gorge, c'est là que je travaille efficacement - je me connais), méditer devant les talus, m'interroger sur la rose trémière qui pousse dans un vilain fossé alors que ses pareilles rechignent à occuper les places de choix que je leur destine et rouillent pour me faire enrager.
Rencontré un maître compostier. Fait-il de la compôte ? Pas du tout. Il connaît tout de l'art qui mène du trivial déchet à l'humus grumeleux au parfum de sous-bois. Il m'interdit de jeter aux pies les grosses larves nacrées à la tête surmontée d'un casque brun - c'est que je les prenais jusqu'alors pour de redoutables bouffeuses de racines ; ce sont des scarabées de Provence, espèce protégée. Je me dis souvent que cette récente volonté de protéger les espèces, d'empêcher qu'elles disparaissent tout à fait est une vaine tentative d'empêcher que le monde change sans nous. C'est que ce changement pourrait se passer de nous. Il se pourrait que nous ne soyons pas indispensables à la marche de l'univers. Quelle claque. Les tigres disparaissent, avec les loups, les scarabées, les lys martagons et nous aussi. C'est qu'il faudrait apprendre à respecter les indispensables frontières. Des frontières, il faut avec Régis Debray, faire l'éloge. Il ne s'agit pas de rester chacun dans son pré et de bien garder ses vaches mais plutôt de reconnaître que les prés des uns et des autres - animaux, plantes, humains,cailloux - ne sont pas un vaste terrain où le dominant impose sa loi. Dans chaque pré, reconnaître l'occupant, lui demander l'autorisation de lui rendre une visite courtoise, l'honorer comme il se doit. J'aime bien l'expression bonne intelligence.