Distributeur automatique

Voyage scolaire à Londres - à chaque retour je jure qu'on ne m'y reprendra plus. Ce n'était pas désagréable, loin de là, quatre jours de ciel cobalt, j'avais pris un parapluie mais pas de lunettes de soleil - une erreur. Deux moments forts pour moi : à la National Gallery dans la salle des impressionistes le Lac Keitele d'Akseli Galen-Kallela et à puis à St James church, le mardi à 13h un récital de piano. : la pianiste,  Sophia Lisovskaya, serrée dans une tunique en résille d'or, flambait au soleil filtré par les vitraux,  jouait Rachmaninov, Tchaikovsky Chopin et  Schumann sans partition, comme possédée. Pour les élèves, le shopping à Camden Town et la boutique M&Ms (quatre étages de cacahuètes enrobées de chocolat et de sucre de toutes les couleurs à des prix astronomiques). J'ai la conscience tranquille, j'ai semé des graines mais le terrain est aride, la dormance risque d'être prolongée indéfiniment. A l'aéroport, au retour, aucun parent ne s'est dérangé pour nous remercier ma collègue et moi ; sur les quatorze filles de 18 ans avec toutes leurs dents, deux nous ont saluées et remerciées. "Est-ce que tu remercies un distributeur automatique," me demande Bernard, "parce que tu n'es pas autre chose pour tes élèves et leurs parents..." Il se trouve que oui, je dis merci aux distributeurs et guichets automatiques, je parle aussi aux cailloux, aux plantes, aux chats, et même aux humains...

Ciel pâle, j'allume le poêle.

Je défais et refais ma valise - je rentre au couvent... à Saorge, une dizaine de jours en résidence d'écriture : je prépare mes papiers, mes bouquins, mes carnets ; je compte travailler sur les Croquefruits. Avant de partir à Londres j'ai enfin rencontré Anna Wexler. J'avais imaginé une jeune femme brune,  je découvre une femme un peu plus âgée que moi, blonde - mais c'est bien Anna Wexler, opiniâtre, décidée à monter son spectacle pour exhumer cette histoire oubliée.