Sans voix, sans voie
J'ai la voix rêche, une voix de rocaille, les mots s'étranglent. Heureusement mes doigts restent agiles sur le clavier. En classe, j'écris mes instructions, je les mime, on rit - moi en silence. Mais ce soir je suis moulue.
Bernard allume les feux, je prépare un velouté à l'oignon, j'ai envie de douceur dans la gorge même si les cordes vocales ne sont pas sur le chemin.
Hier j'ai entendu que 1000 femmes par an mouraient sous les coups de leur compagnon, et ce ne sont que les statistiques des plaintes enregistrées, on en parle peu. Je compare ceci aux 500 morts en 30 ans causées par un médicament - à mon avis ça ne vaut pas une demi-ligne dans un canard, pourtant l'affaire cause plus de tintamarre. Être une femme, certains affirment sans rire que c'est être l'avenir de l'homme (personnellement j'en doute) mais c'est aussi ne jamais se sentir totalement tranquille à la nuit tombée dans les rues, les parkings, les couloirs des métros. La ville, il me semble que c'est un lieu pénible pour être seule et femme. Quel effarement d'être une proie possible pour un membre de sa propre espèce, toujours éprouver un doute léger sur les intentions de l'autre. Comme le mâle de la mante religieuse ou de la veuve noire, les pauvres. Où est l'issue ?
Mistral cru, air vif, les chats s'installent en guetteurs derrière les fenêtres au soleil, oreilles pointues.
Cette nuit j'ai rêvé que j'adoptais des renardeaux pas plus grands que des navettes. J'imaginais le chagrin de les perdre mais ne pouvais pas renoncer à les aimer, tant pis.