La dormance des graines

Des bataillons de cyclistes défilent en rangs serrés entre les haies d'iris veloutés, glaives tendres au clair, les iris, pas les cyclistes. Impossible de les dépasser, d'ailleurs pourquoi le ferais-je ? Je longe le flanc sud du Luberon, m'y love. Je joue à l'origami, je me replie le long des nervures, tsuru, tamatebako, je ne sais pas bien m'y prendre, au bout du compte je n'obtiens qu'une boule de papier froissé.

Ce soir, je déterre les fantômes de Sénomagus à la bibliothèque de Cadenet, je ne sais pas si ma voix sera audible. J'ai senti la lumière de mes cordes vocales se rétrécir au fil des heures - j'utiliserai le langage des signes.

Bernard travaille à ses grimoires des Cévennes sur l'écran de son ordinateur. Il dit que l'odeur lui manque.
Avant de partir pour la bibliothèque, je mets en pots une confiture de fraise.
Les tiges de lotus ont crevé la surface de l'eau, les feuilles ne vont pas tarder à se déployer.Satisfaction d'avoir levé la dormance de ces graines, comme si j'avais déchiffré un code secret. Quel est le code pour se métamorphoser soi-même en graine ? Ecrire un livre ?

Soirée chaleureuse à Cadenet, lecture, conversations, gâteaux et vin... Il est près de minuit lorsque je m'en vais. Ma voix est revenue, mais j'ai lutté toute la soirée contre les muscles de ma mâchoire qui se crispaient, mâchaient du sable, et me faisaient mal - personne n'a rien vu ; de retour au bercail, je prends un doliprane, mais au fond, all I need is a wee dram of Talisker - which I don't have - and a good night's sleep - which I could have - the best medicine ever against stress...