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Portes et Miroirs, tome II
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22 janvier 2010

Entrain

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Ce matin le bleu m'éblouit, tout ce ciel, toute cette lumière : quel entrain, quelle fête ! Je ramène Alaïs du lycée, son prof de philo absent  lui vaut une après-midi de liberté (?). En chemin nous dépassons une allègre comtoise crinière au soleil, je m'arrête un peu plus loin au croisement pour la prendre elle et son équipage en photo. Nous conversons avec les cochers, des voitures ralentissent, des signes s'échangent, des saluts amicaux. Un véhicule solitaire passe en trombe, ignore le cheval, ses formes parfaites, l'attelage serein, la conversation paisible. Il suffirait d'un seul malandrin pour dézinguer la beauté de cette minute, mais non.

J'écoute les pies jaboter dans les amandiers, je lis, relis, copie, colle, biffe, bref je jouis de l'instant. Je suis au monde et j'y suis bien, avec une myriade de projets à faire éclore comme graines au printemps, que demander de plus ?

A défaut du cours de philo, Alaïs a voulu s'arrêter à la Maison de la Presse pour y prendre le magazine Philosophie. Dans le courrier des lecteurs quelqu'un se demande s'il est bien légitime de se montrer intolérant face à l'intolérance : je ne supporte pas mon voisin qui est raciste, dit-il. Et là se trouve son dilemme. Il méprise l'intolérance de son voisin mais en le faisant, ne se rend-t-il pas coupable du même travers ?  Personnellement, je n'ai pas envie de tergiverser. Le voisin raciste est un minable, celui qui n'a de cesse de vouloir reconduire les sans papiers aux frontières de nos pays qui étouffent dans une opulence mal partagée est un moins que rien, et je l'avoue, j'ai toujours éprouvé du mépris pour la tolérance. Elle a un relent de molle indifférence à des problèmes cruciaux, elle suggère une frilosité coupable ou bien à l'inverse, on se sert d'elle pour faire passer des messages autoritaires, voire despotiques. Je ne tolèrerai pas ceci ou cela, nous pratiquerons la tolérance zéro, ce charivari est intolérable, vous devriez vous montrer plus tolérante ma chère, je connais certaine maison de tolérance...  De nos jours, on tolère tant de choses contradictoires au nom de la tolérance. Pourtant je suppose que l'exposition du mot tolérance à l'air du temps l'a oxydé, corrodé, comme poutrelle de fer sous la pluie et que la tolérance selon Voltaire ou DW Griffith penchaient plutôt vers une notion infiniment plus respectable, le respect justement. Oui, je suis une femme intolérante, je ne renonce pas au droit de m'indigner tout haut, de protester avec véhémence,et je trouve qu'on a le droit d'empêcher, voire d'interdire attitudes et pratiques inacceptables, tout ce qui relève de la bêtise, de la cruauté, de la cupidité par exemple :  ah, que de portes ouvertes j'enfonce là ! Mais je m'emporte et je veux surveiller certaine bouillabaisse de morue qui ne doit pas frémir plus d'un instant.

Ce soir, grand plaisir à montrer Rebecca de Hitchcock à Alaïs : quelle galerie de portraits, quelle économie de moyens ! Parfois je détourne le regard de l'écran et l'intensité des émotions de l'héroïne se reflètent sur le visage de ma fille, je le constate avec plaisir. Elle commence à découvrir le pouvoir du cinéma, elle qui jusqu'ici le boudait un peu.

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