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Portes et Miroirs, tome II
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15 janvier 2010

Du bonheur d'être un individu sentant...

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Hier, d'abord la pluie que toute la nuit j'ai entendu piqueter les tuiles et les volets, et puis la brume et puis des trouées de ciel bleu. En traversant Maussane je crois m'être trompée de route et me trouver au cœur des Alpes et non des Alpilles : les trottoirs encore dans une gangue de neige glacée, salie de boue, les jardins encore givrés, rien n'évoque un paysage familier. Dans la cour du mas Martin, la neige encore et des monceaux de branches brisées au pied des platanes : leur silhouette n'est en rien écornée, il s'agit heureusement de branchettes que de toute façon un élagueur aurait coupées. Les oliviers ont des allures de chats pelotonnés et le jardin d'un brouillon de ce qu'il sera au printemps.

Ce matin, pour la première fois depuis des jours, je bois mon thé au jardin, en pull-over ; je regarde le brouillard rouler au loin dans la vallée de la Durance : je me concentre sur cette minuscule épiphanie et use de tous mes sens pour  en imprimer le souvenir dans ma mémoire. Ne pas négliger le bonheur absolu d'avoir un corps, de le sentir vivant et d'être sur la Terre. Même si parfois nous avons l'impression d'être de simples tiques dont elle se débarrasse en secouant l'échine. Dans ce journal, j'avais écrit que la nature était hostile et qu'elle me fichait la trouille. Je me ravise. Non, la Nature n'est pas hostile. Elle est. Et nous en faisons partie au même titre que les amibes ou le virus H1N1 ou les chats. De même que nous sommes indifférents aux cellules qui composent notre rate, la nature est indifférente aux humains qui font partie d'elle. Elle continue de me ficher une saine trouille. Qu'une faille entre deux plaques tectoniques rompe tout à coup, que des villes soient réduites en cendres et débris interrompant dans le processus aveugle le cours de la vie de centaines de milliers d'humains, la Nature ne l'enregistre même pas. Nous devons nous tenir sur nos gardes et nous serrer les coudes : renforcer la part civilisée en nous pour mieux lutter contre des lois naturelles et des programmes biologiques logés dans nos cerveaux reptiliens qui ne servent pas toujours au mieux l'intérêt des individus que nous sommes.

Qui donc a traduit la version anglaise de ma nouvelle Cloître au printemps, sous la neige en indonésien : homme ou machine ? Je suis bien sûr incapable de le dire...

Dans l'après-midi la douceur est telle que j'enfourche mon vélo. Je parcours d'abord les routes goudronnées, prudente. Je ne le reste pas longtemps et m'aventure dans les chemins boueux, creusés de fondrières, je finis la balade en pataugeant : c'est le dégel : ruisseaux pressés, étangs en travers des chemins, sentiers torrentueux et le lac, qui a absorbé tous ses contours. Je croise une abeille solitaire et une fleur de géranium d'un rose perçant ; il fera encore froid pourtant mais il est si tentant de croire aux promesses !

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