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Portes et Miroirs, tome II
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23 octobre 2009

L'essentiel

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Avant d'ouvrir les volets, je devine l'état du ciel. Il sera de ce grand bleu cru des jours de vent, soleil citron, lumière acidulée. Hier les chats se tenaient frileux à l'intérieur, ils décident de ne pas changer d'emploi du temps et me le font savoir en poussant des miaulements affreux. Je tente une conversation civilisée, peine perdue. Je traîne devant la théière et les tartines, entre clavier et roman de Philip Roth. J'ai le sentiment profondément enraciné que la fiction a dû construire l'essentiel (ou l'essence ?) de ma personnalité et continue de l'alimenter. Ce roman ne me fait pas changer d'avis.
Aujourd'hui, Le Paradou, j'emporte mon travail sur Margaret Ogilvy, j'ai besoin de conseils. Il me reste deux chapitres à revoir, mais le chapitre 8 sur lequel j'ai travaillé tout le dimanche me donne du fil à retordre, il faut que j'en parle avant d'attaquer la deuxième partie du travail : les commentaires de la traductrice au sujets des propositions de correction que je lui  soumets (bien que celles concernant faux-sens, contre-sens ou traduction littérale soient incontournables) et le lissage final : le texte final doit rendre la fluidité de conteur de Barie, rester fidèle à la tessiture de sa voix sans pour autant tordre la langue française. Jouer une partition en l'adaptant pour d'autres instruments. C'est en substance le contenu des réponses aux questions que je me posais. Hubert me fait part d'un texte sur l'art du traducteur qu'il avait écrit pour une rencontre avec des professeurs de français : ... quand il s'agit de palper l'étoffe d'une langue, quand il s'agit de saisir la part d'implicite que véhicule l'écriture d'un auteur, quand il s'agit de comprendre les je ne sais quoi et les presque rien qui fourmillent dans le texte, quand il s'agit d'accéder à la part de non-dit qui est souvent essentielle, il est alors nécessaire de bénéficier du talent de ces passeurs que sont les traducteurs. Christine aussi, que je trouve à chaque visite absorbée dans une traduction complexe, me donne des pistes.  Tous les deux me confortent dans l'idée que les aller-venues entre les langues sont un moyen incomparable d'acquérir l'agilité nécessaire à l'écriture.

Ce soir, le vent soufflette les volets, je suis seule à la table de la cuisine et je n'ai pas envie de quitter mes pénates demain soir. C'est absurde, mais j'emporte mon matériel, des réserves de carnets et de crayons, une liste de livres que je voudrais acheter dont Fictions de Borgès et Les chaussures italiennes de Henning Mankell. De lui, j'ai lu un roman inoubliable intitulé Profondeurs.

L'essentiel n'est pas là, ce n'est pas ce voyage-là que je veux faire ; je voudrais me déplacer sur une surface glissante et malcommode, elle se dérobe sous les pieds, n'a jamais l'aspect qu'on lui voudrait, le temps. Richard Matheson dans l'un de ses romans, évoque un héros aux prises à ce même désir de voyage. C'est la musique qu'il choisit comme véhicule pour se déplacer. Moi je choisirai la musique des mots et tâcherai de la rendre si envoûtante que je trouverai bien le moyen de ce voyage qui me tente. Comment faire tout ce que je dois en l'espace restreint de vingt-quatre heures ?

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