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Portes et Miroirs, tome II
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30 septembre 2009

Rayon de soleil

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Je me débarrasse, à grand peine, des derniers microbes.

Ce matin j'ouvre un œil sur la cime dorée du Luberon. Dans la nuit, de temps à autre, le ronronnement des machines à vendanger perçait la chrysalide du sommeil où j'étais enroulée. Heureusement, le champ de raisins roses  tout près du jardin ne subit pas ce genre de traitement, il est vendangé à la main. Hier soir, en rentrant du lycée, j'ai vu avec plaisir qu'il restait de beaux grappillons.
Je prends mon temps, je n'ai cours qu'en début d'après-midi. Seule une réunion m'oblige à partir vers onze heures. Je m'offre une troisième tasse de thé sur la terrasse, une pause intercalée entre  l'écriture de ces quelques lignes  et d'autres travaux. La cuisine me sert d'atelier depuis des mois... La table est envahie de dictionnaires, de livres dont je ne saurais me passer, de bouts de papiers. J'aime bien travailler là, entourée de fenêtres, au sud, à l'ouest, au nord - chacune découpe un tableau différent dans le paysage : toits de tuiles rousses avec un premier plan de cornouillers et de cerisiers, colline de Roubian, barre du Luberon. Du cellier, à l'est, par un fenestron, me vient un rayon de soleil ; tôt le matin, il désigne tour à tour chaque objet  sur
mon bureau improvisé, se retire en marée lente, abandonne sur l'estran des flaques de lumière  où flottent des globules, des sphères minuscules. Je tends l'oreille pour entendre leur musique. Sur lequel de ces mondes dans une maison silencieuse une femme passe de ses confitures à une page d'écriture et s'arrête l'air absent une tasse de thé à la main devant un rayon de soleil, un matin, l'automne ?

Faire du bruit, c'est imposer sa présence au monde, marquer un territoire, à la façon dont les chiens compissent les plates-bandes. Radios, télés qui braillent, motos qui dézinguent la nuit et l'émiettent sans qu'on puisse recoller les morceaux. Et il y a des démarches qui me pèsent, pourtant amenuisés par le souvenir : ah, l'infernal cliquetis du calcanéum sur le carreau, les petits pas guindés, qui clament je-suis-là-je-suis-chez-moi à chaque enjambée - il me fore l'os du crâne jusqu'à la zone hachurée en rouge dans mon cerveau et balisée de pancartes Danger-Ne pas pénétrer - Do not tresspass. Parfois, j'entends des pas qui me le rappellent alors que je voudrais être seule dans un silence pailleté de sons qui me réconfortent. Chaque bruit incongru me transforme en dogue et me donne envie de mordre. C'est ça, avoir un caractère de chien ?

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