Texture

A Llangynog, le temps a la texture de l'eau : il coule, et dans le courant principal tourbillons et contre-courants en chamboulent le passage.
Nous passons l'après-midi dans une vallée au-dessus de la cascade de Pistyll Rhaedr. Au retour, nous nous arrêtons au pub de Llanrhaedr, the Plough, où fut tourné le film dont j'ai déjà parlé, L'Anglais qui gravit une colline et descendit une montagne. C'est samedi soir, tous les habitués sont là. Nous nous sentons comme des cheveux sur la soupe, autant que des touristes de passage auraient le sentiment de marcher sur des oeufs au Bar de l'Ormeau à Cabrières d'Aigues un soir d'hiver. Nous ne restons pas longtemps, j'ai hâte de retrouver mon terrier, mes bouquins. Ce soir, je ne suis pas d'humeur à tenter de percer les défenses de ceux qui préfèrent croire que les étrangers sont des envahisseurs. Je sais que la méfiance est un réflexe de survie, moi-même je le suis, méfiante, mais je suis confiante à part égale. Si je sais que le pire chez l'humain est possible, je ne le tiens pas pour certain... mais j'avoue que c'est parfois un effort très conscient de ma part. Bernard qui est un pessimiste grand teint, tient le pire pour une évidence irrémédiable. Il trouve toujours de quoi lui donner raison. Moi de même.

Ce matin, j'ai eu le temps de prendre mon petit déjeuner au soleil, ensuite le ciel s'est voilé. J'ai allumé le feu de charbon et j'ai travaillé deux ou trois heures. Plus tard, la balade, nous l'avons faite sous un ciel haut et blanc, des nuages noirs se massaient aux cols à chaque bout de la vallée. Et puis, en fin d'après-midi, le soleil est revenu. Demain, on nous promet des passages nuageux, des averses, mais cela ne me trouble pas. Alaïs est ravie du rythme ralenti de ces vacances, elle s'imprègne de l'exotisme des lieux sans hâte. Je sens bien qu'elle aussi aime la maison où nous sommes.