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Portes et Miroirs, tome II
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8 mai 2014

Pour le prix Horizon du deuxième roman, se prêter à un questionnaire.

amande 1

1. Il y a le feu chez vous, qu'emportez-vous en premier? 

 

 Les chats de la maisonnée.


2. Si vous deviez retenir

  • Un lieu...Lequel?...Et pourquoi?

La maison que mon grand-père maternel a loué à l’année pendant près de 50 ans dans un hameau en Ardèche. La famille s’y réunissait aux vacances, mes cousines me sauvaient de mon état de fille unique, on passait nos journées loin de l’œil des parents : le jardin qui me semblait immense, la rivière et le pont duquel on pêchait des vairons, où on pataugeait, se baignait ; la forêt de châtaigniers, les prés, la ferme accolée à la maison, les vaches, les chèvres, la source où on prenait l’eau des repas, les livres, les illustrés qui avaient appartenus à nos mères, les armoires pleines d’objets, de vêtements, la trouille des immenses pièces qui ne servaient pas, l’impression de liberté absolue. Les enfants n’ont plus cette chance. Mener leur vie tranquille, passer la journée dans une rivière sans qu’un adulte angoissé soit à leurs basques. Cette maison et la façon d’y vivre sont le noyau de toutes mes émotions. Au point que le temps passé là me semble infini, alors qu’objectivement, les journées que j’y ai passées ne formeraient peut-être pas trois mois en tout. La maison a été vendue quand j’avais 10 ans.

  • Une chambre...Laquelle?...Et pourquoi?  

Les chambres d’enfance à l’extérieur de la maison parentale : la chambre « bleue » chez mes grands-parents paternels est un bon exemple.  Je l’aimais parce que je n’y étais pas seule, quand j’y « dormais » il y avait toujours ma cousine, un peu comme une sœur aînée. On passait la nuit à se raconter des histoires.

Trois dates...Lesquelles?... Et pourquoi?

Juillet 69, mes parents et moi sommes en vacances en Bretagne, au camping des Menhirs, évidemment. Mon père me juche sur une de ces pierres plantées et me montre la lune en m’expliquant ce qui est en train de se passer. Après, je suis sur ses épaules, il y a foule dans la salle de télévision du camping pour voir en direct le premier pas de Neil Armstrong. Ce souvenir est tatoué, j’adore le raconter à mes élèves, voir leur tête (une femme préhistorique), j’ai assisté en personne à cet évènement incroyable : pour la première fois de l’histoire de la planète, un représentant du règne animal est capable de marcher sur un corps céleste et puis de revenir à terre. Pouvoir s’affranchir de la gravité de temps à autre, c’est important.

Le jour où on m’a aidée à percer le mystère de la graphie E+Z qui donne le son [é], c’est le dernier groupe de lettres qui me manque pour avoir la clé de tout le reste. Je ne sais pas la date exacte, sans doute septembre-octobre 1967 ; je suis censée fréquenter le CP, mais je suis malade au début de l’année, j’apprends à lire dans mon lit cage, ça se fait très vite parce que je m’ennuie. Je lis le « Rémi et Colette » d’un bout à l’autre plusieurs fois et quand je retourne à l’école je me sens très adulte.

1993 ou 94 où j’ai eu accès à internet, la Toile, de mon propre bureau. La porte ouverte à des millions d’informations en quelques secondes là où il m’aurait fallu des journées de bibliothèque, des voyages à l’autre bout de la Terre. La possibilité de communiquer, d’échanger, d’élaborer mes propres outils.

 

  1. Pourriez-vous nous citer 3 livres de votre bibliothèque dont vous ne vous sépareriez à aucun prix?

Le nom de l’arbre d’Hubert Nyssen : un exemplaire du premier tirage, la couverture encore protégée dans son papier cristal, donné par l’auteur lui-même et bien sûr dédicacé.

Mistral noir de Bernard Alteyrac : mon exemplaire personnel du premier roman de mon époux.

Le chat de Kiko de Antoon Krings et Grégoire Solotareff : le livre que nous avons dû lire à notre fille deux ou trois fois chacun tous les soirs pendant plusieurs années jusqu’à ce que nous nous rebellions.

La forme matérielle de ces livres est irremplaçable. Si besoin était, je pourrais renoncer aux autres parce que seul leur contenu m’importe. Ils sont interchangeables et peuvent même s’accommoder d’une liseuse électronique lorsque je voyage.


4. Qu'est-ce qui vous révolte au quotidien?

L’abus de pouvoir à tous les niveaux : le gamin sur son hamster, le parent sur l’enfant, l’enfant sur le parent, dans le couple, à l’école, au travail ; tout ce qui ressemble à de la manipulation, du harcèlement, de la brutalité sous toutes ses formes, me révulse.

Le pouvoir des conventions : surtout celle de l’argent ; tant que c’est un moyen d’arranger tout le monde, parfait, mais si au nom de l’argent on s’interdit de soigner, nourrir, protéger, éduquer, cette convention censée faciliter les échanges devient absurde. On jette à la rue des gens parce qu’ils ont des dettes, parce que le pays dont ils sont les ressortissants a une dette. Une dette se rembourse, un point c’est tout. Ah bon ? Et si un météore nous tombe sur le coin de l’œil et bousille la moitié de l’humanité et de ses constructions, il faudra quand même parler de dettes et d’argent qu’on n’a pas ? On restera assis par terre comme des imbéciles parce qu’on n’a pas d’argent pour se construire des abris et soigner les blessés ? On gaspille l’essentiel et l’indispensable au nom de cette convention qui nous a débordé depuis le début, sans doute.

 

5. Qu'est-ce qui vous réjouit ou vous émeut au quotidien?

Ouvrir les volets. Partager des moments avec ma fille,  contempler la jeune adulte qu’elle est devenue. Exprimer une pensée au même instant avec les mêmes mots que mon époux, éclater de rire et se frapper la paume de la main chaque fois que ça arrive - souvent. Regarder les chats et les chatons. Boire le premier thé du matin en parcourant le jardin. Réussir un plat pour la famille. Avoir travaillé à ma convenance.


6. Quel est votre mot préféré?

Ferveur ; pour le son : un silence à peine troublé par un bruissement. Et puis ce que ça m’évoque de profondeur, de recherche, d’enthousiasme, d’engagement mais aussi de solitude volontaire, de temps ralenti pour sentir ce que cette sorte de fièvre amène comme révélation.

 
7. Quel est le son ou le bruit que vous détestez le plus?  

Celui du moteur d’une mobylette privé de pot d’échappement qui s’éloigne dans un quartier de banlieue un dimanche après-midi : le son de la solitude et du dégoût. Il n’existe plus, remplacé par celui des quads et des motos vertes dans la campagne.

8. Quel est votre juron ou gros mot préféré?

 

Putain d’Adèle. Je ne l’utilise jamais, mais il me fascine. D’abord, pendant longtemps, c’était juste une suite de phonèmes qui me faisait hurler de rire ; après je me suis demandé qui pouvait bien être cette femme et ce qu’elle avait bien pu faire. Une histoire à découvrir en somme.


9. Quel est le métier que vous n'auriez jamais voulu faire?

 

Dermatologue : la peau qui souffre donne des images qui me sont pénibles.

 

10. Que vous inspire la musique classique.Y a-t-il un compositeur avec lequel vous vous sentez frère ou soeur d'écriture?

 

La musique classique, c’est vaste. C’est une façon de rendre compte du monde, des émotions. Je ne l’écoute pas pour me raconter une histoire qu’elle m’inspirerait, mais l’agencement des notes et des silences, je les absorbe directement. C’est une manière de prendre le large, ou de prendre du champ, changer de perspective. Je ne peux pas écouter de la musique classique en écrivant, c’est trop proche, ça créé des interférences.

Il y a plusieurs compositeurs qui me sont proches et que je vais écouter avant d’écrire ou après, en fonction de l’humeur et des scènes. Saint-Saëns, Gershwin, Satie, Debussy, Prokoviev, Bach, Vivaldi, Puccini, Mozart, Purcell. Quand j’écris, je joue d’un instrument, ou peut- être que je chante sur ma page.

 

11. Votre tiercé des 3 plus belles chansons françaises et votre chanteur ou chanteuse préféré(e) dans la chanson française?

 

Tiercé dans le désordre et changeant. En ce moment ce serait La valse de Mélody (Serge Gainsbourg) ; La nuit je mens (Alain Bashung) ;  Et je chante (Francis Lemarque/Michel Korb). Mon auteur-compositeur-interprète français préféré, sans conteste, c’est Alain Bashung.


12. Un objet...qui est important pour vous...qui serait le symbole de ...

 

Ma voiture, symbole de mon indépendance. Il y a des livres, de la musique, à boire, à manger, je peux y dormir si je veux. Elle n’a plus d’âge, ne se remarque pas, ne craint rien. C’est un sas de décompression, l’endroit où je travaille du chapeau, réfléchis, m’informe, chante, décompresse, où je suis seule pour bien faire toutes ces choses. Je suis peut-être un péril routier, un danger public, mais il ne me semble pas ; je suis très concentrée dans ce lieu-objet.


13. A quel réalisateur de cinéma pourriez-vous confier votre roman.

 

Jane Campion, sans hésiter. Quand je vois un de ses films, j’ai l’impression de regarder le monde par la même fenêtre qu’elle.

 

14. A quelle époque auriez-vous aimé vivre?

 

En tant que femme et dans le pays où j’ai la chance de vivre, mon époque est passionnante et, oui, réconfortante. Si j’avais eu un fils, il n’aurait pas été enrôlé contre sa volonté pour une guerre, ni 14, ni 40, ni le Viet-Nam, ni l’Algérie. Je suis complètement autonome, je n’ai pas de compte à rendre à un mâle de ma famille, j’ai reçu une éducation, des soins, j’ai eu le choix d’avoir un enfant. J’ai une vie qui m’appartient. Le seul inconvénient de vivre à mon époque, c’est qu’elle n’est pas terminée et que de façon légitime, je peux m’inquiéter pour l’avenir. Changer d’époque, en tant que femme, dans ma région – la Provence – être une riche bourgeoise, veuve, à la période médiévale, vers 1430, l’époque du roi René, pourrait me donner certaines garanties de liberté et d’autonomie. J’aurais une bastide pas trop loin de la ville, Avignon ou Aix, mais pas trop près pour se garder des fureurs qui n’épargnent pas le monde à aucune époque, avec un jardin dont je m’occuperais.

 

15. Pourriez-vous compléter ces phrases :
    

  • Pour moi, la mort, c'est la vie. Le recto et le verso d’une page. Indispensable pour soi. La mort des autres, c’est différent, une longue séparation difficile à supporter ou un soulagement.
  • Mon épitaphe pourrait être Nous y voilà.
  • A table, un de mes grands plaisirs, c'est de de parler de ce qu’on est en train de goûter.
  • J'ai toujours sur moi un livre, un crayon et un peu d’argent.
  • Il m'est arrivé de rêver que je partais à l’improviste, en allant ou en revenant de mon travail, et que je m’offrais un petit voyage en solitaire.  
  • Je suis parfois semblable à un ours.
  • J'espère que je ne vous ennuie pas ?
  • Écrire, c'est jouer à recréer un univers, se fabriquer un livre qu’on aurait envie de lire, donner du sens, jouir des mots, des sons, traduire sa musique intérieure, joindre sa voix à celle des autres, appeler, se sentir exister autrement, créer un squelette pour soutenir la pensée, fixer les visions, les rêves, les cauchemars, réfléchir à haute voix, interroger.
  • Encore un petit morceau de pain pour finir mon fromage et pendant que vous y êtes, je veux bien un autre verre de vin, svp.

 

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