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Portes et Miroirs, tome II
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2 décembre 2011

A Villelaure

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Villelaure - un village établi sur le plancher de la vallée, entre Durance et Luberon. Je connais la grand rue, autrefois route principale entre Pertuis et Cadenet, rien des autres quartiers. De ce passé de village étiré le long d'une route encombrée à toute heure du jour, seul passage possible, il reste des façades grises, des trottoirs étroits et l'envie de ne pas s'éterniser ici.

Je n'ai jamais aimé cet endroit, en dépit de son beau nom. Parmi les gens de ce village il y avait autrefois un petit garçon qui ne voulait rien manger qui fût coloré : pas de fraises, ni de cerises, encore moins de réglisse, pas de côtelettes ou de saucisses. Du riz, du blanc d’œuf (donne le jaune au chien avant que le petit le voit, vite), des poitrails de volaille, du yaourt, du fromage blanc, à peine le jaune le plus pâle possible d'une pomme de terre ou d'une pomme golden bien pelée, la mie du pain, le sel, le sucre et l'eau transparente. Jamais il ne mangeait avec les autres enfants et ne voulait adresser la parole qu'à ma fille son teint pâle, sa peau blanche ?). Les parents du petit garçon nous pressaient d'invitations, nous avons cédé. A Villelaure, tout un après-midi ; Alaïs n'a plus jamais voulu y aller, ce petit garçon blanc et mou qui avait peur de tout et  voulait juste rester assis devant un ordinateur et qu'Alaïs regarde.

Depuis, quand d'aventure je passe à Villelaure, je me demande ce qui mijote dans les cuisines, de quelle couleur sont les plats.

Ce matin, je suis à Villelaure, je rends visite à une élève en stage dans une curieuse boutique : on y colle de faux ongles, vraies serres de sorcières, au bout des doigts d'apprenties-coquettes. Sur ces appendices on badigeonne avec art une laque, on colle des paillettes ou des étoiles, c'est laid à pleurer. Sur mon chemin, je remarque pour la première fois un canal en ciment qui traverse le village, derrière la mairie. Sur le pont je m'arrête ; dans une flaque d'eau grasse deux poissons de bonne taille flottent sur le dos et des dizaines d'autres, noirs,  plus jeunes,  du fretin, font bouillir la lisière de la mare. Ils veulent à tout prix se sauver, vivre, se reproduire, prolonger l'espèce, voire la vie des individus - pourquoi non ? Hélas, moi d'où je suis, je vois le canal vide de part et d'autre de leur petit bassin puant. Le canal est à sec, un engin cure une glu limoneuse accumulée depuis des lustres, le temps des petits poissons est compté. Non je n'ai jamais aimé Villelaure.

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