Etonnement
Le monde a l'air intact. Un léger mistral ourle les haies - signe réconfortant, ironie suprême d'un aléa météorologique, comment être sûre ? Je tente de déchiffrer une langue nouvelle, à tâtons, seule. Un soleil calme adoucit l'air. Qui se douterait du désert où je prêche face à de mornes élèves, soucieux de leurs seules notes, à l'image des investisseurs obnubilés par le triple A des nations à exploiter. Préoccupation relayée avec complaisance par les médias, tous les médias. L'espoir est dangereux, il ne rapporte rien.
J'écoute Robert Guédiguian, les utopies sont mortes, comment les ressusciter ? Comment vivre ensemble ? Une femme à vélo sur un trottoir encombré de voitures, de chaises de café vides, joue rageusement de la sonnette derrière moi. Elle discute dans le kit mains libres de son téléphone et un affreux cabot est campé dans une sacoche devant elle. Piétonne, je l'encombre. Je suggère, en douceur car j'ai le chagrin atone, qu'elle roule plutôt sur la chaussée, elle me propose d'aller me faire enculer, sale pute, sale grosse que je suis. Dont acte.
Se réfugier dans la fiction. Se remettre sur pied, tant bien que mal. Lire, lire, écrire, au moins pour quelque temps encore.