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Portes et Miroirs, tome II
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8 février 2011

Théâtre

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Aujourd'hui tous les prétextes sont bons pour utiliser Google - le logo métamorphosé en Nautilus pour fêter l'anniversaire de Jules Verne, né en 1828... Aux manettes de ce bathyscaphe virtuel, je plonge jusqu'au lit de l'océan, ce qui me fait moins regretter d'avoir quitté le mien à 5 heures. Dommage, l'expérience se terminera à minuit.

J'ai abandonné ma progéniture devant la gare TGV, elle va explorer l'École des Gobelins. Elle présentera ce concours et celui de l'ENSAD de Strasbourg ; tout à coup je me souviens que Bahiyyih Nakhjavani y enseigne l'anglais, précisément dans la section illustration qui tente si fort Alaïs. Nous croisons les doigts pour elle car s'il y a beaucoup d'appelés, il y a peu d'élus.

Arrivée plus tôt que de coutume au lycée, j'ai tout le loisir d'observer la sarabande amoureuse des chats sauvages qui ont élu domicile dans les vestiges du théâtre antique d'Aix-en-Provence. De longues années, il a dormi sous nos pieds, dans la cour. Un jour des barrières ont réduit l'espace des récréations et des pelleteuses suivis d'archéologues armés de truelles et de tamis ont mis au jour le légendaire monument. A présent un linceul de toile blanche lesté de sable l'a renvoyé au sommeil, les chats s'y arrachent la gorge à gueuler leurs âpres mots d'amour, tracent sur lui de mouvants sentiers à pattes silencieuses. Le printemps par leur parade comme par les boutons des fleurs d'amandier s'annonce. Une fois le brouillard poncé par un mistralet, l'azur s'impose. Pourquoi rester enfermée ? Je lutte contre les élèves qui prétendent tirer les volets, éclairer les néons des salles de classe.
Peu de plaisir à enseigner ces temps derniers. Chaque exercice est un pensum, chaque contrainte une torture. L'idée de l'étude une épouvante. C'est classique, les élèves me demandent sur un ton méprisant si j'imagine qu'il n'ont que ça à faire, étudier, et je rétorque : oui, j'entends bien, mais pourquoi choisir de longues études, envisager l'université en ce cas ? Je connais la réponse. Notre société ne leur offre aucune place, rares sont ceux qui acceptent l'aventure d'un métier manuel - ils veulent tous travailler dans le tertiaire à des postes de responsabilité. Trader ? Trader. Il y en a même un qui rêve d'être croupier. Why not. Gagner de l'argent, beaucoup, très vite. Leurs valeurs et les miennes sont à l'opposé et nos langues sont plus étrangères que l'anglais que je leur enseigne.
J'entends un élève dire sotto voce à un voisin : c'est normal, les profs, ils sont jamais sortis du milieu scolaire, ils comprennent rien.
Ah bon ? Au fond, pourquoi lutter, essayer de faire percevoir la pure beauté de l'inutile (l'essentiel ?), d'une idée, d'un livre... Le bonheur se mesurerait à l'aune d'une Porsche et d'une Rolex. Contempler les chats au petit matin, le signe d'une faillite.
J'écris dans mon antre, espère gagner ma vie suffisamment longtemps pour permettre à ma fille le luxe d'études inutiles. Il y a quelques jours, un oncle lui susurrait : des études d'art ? Quelle idée... Ce n'est pas sérieux. Si tout le monde faisait ça, où irait-on ?
Oui on se le demande...

Combien de chatons naîtront ce printemps dans les ruines du théâtre romain ? Par la fenêtre je regarde un jeune chat noir né à la fin de l'été, il s'approche des bancs où déjeunent des élèves. Jamais il ne se laisse toucher, mais certains lui offrent de bons morceaux qu'il accepte, d'autres lui parlent, le cajole de la voix, mais il s'échappe en alarme si une caresse plus précise est esquissée. Si rien n'est tenté, il pose les pattes avant sur le banc et s'étire, volupté d'être nourri à sa faim, en sécurité. Ce tableau, bizarrement, me réconforte .

Je laisse grandir en moi des images liées aux Croquefruits. Les lignes d'une histoire émergent. Je me formule des questions.

Je commence à lire un entretien que Pierre Chavagné et Flore Naudin ont réalisé auprès de Pierre Magnan - ça me passionne et je retrouve des idées évoquées avec Hubert sur la manière dont un auteur se construit. Ils sont à la recherche d'un éditeur pour ce manuscrit.
Pas de visite à Hubert aujourd'hui, elle est reportée à plus tard dans la semaine. S'il ne publie pas toujours ses textes dans les Carnets, il poursuit leur écriture depuis qu'il va mieux et les conversations avec lui sont précieuses.

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