Ciel calme

Plus un souffle dehors, les sons voyagent d'un bout à l'autre de la vallée d'Aigues sans perturbation. Ce soir, nous pourrons assister à la représentation de Richard II dans la cour d'honneur du Palais des papes sans être obligés de nous arrimer aux sièges. Tout de même, j'emporterai une petite laine, voire un gros pullover - il fait presque froid ce matin sur la terrasse.

Tout à l'heure nous irons dans la Drôme, l'autoroute doit être libérée du flot de touristes qui l'engorgeaient ce weekend.

Je consulte la météo pour la Finlande. Le ciel semble ouvert sur du soleil. Hier Alaïs et Marion, premières stagiaires à être arrivées, se réjouissaient que leur anglais scolaire leur permette de converser plus facilement qu'elles ne le craignaient et partaient explorer la forêt environnante. Les autres stagiaires arrivaient le soir de Grèce, de Turquie, d'Italie, du Japon et de je ne sais où encore.
Dans la valise d'Alaïs, deux boîtes hermétiques contiennent les calissons dont je lui ai transmis la recette, et les ingrédients difficiles à dénicher en Finlande dans leur coin de cambrousse - thym, fenouil, ail, safran, huile d'olive - pour confectionner la bouillabaisse de morue qu'elle a prévue : chaque jour, les stagiaires sont responsables des repas et doivent présenter une fois un plat de leur pays d'origine. Pour cette bouillabaisse, elle n'aura pas de mal à trouver les pommes de terre et la morue ou le cabillaud frais qui peut la remplacer.
Quelque chose m'avait frappée au cours de mes pérégrinations en Europe, c'est que la  méthode d'accommoder la nourriture et les ingrédients différaient plus par la région selon qu'elle est située en bord de mer, à la campagne ou la montagne que par le pays lui-même, bien avant que l'on parle de mondialisation  qui elle uniformise toutes les traditions culinaires, en invente de nouvelles aussi. Dans la cuisine traditionnelle irlandaise du bord de mer existe une variante de terrine de poisson qui utilise des oignons en quantité et du cumin, dont on retrouve le principe à Venise et aussi chez nous où on la connaît sous le nom de terrine de Suffren - une recette que j'ai apprise au conservatoire des saveurs du Luberon.

Je me demande si l'incendie qui a transformé à nouveau une partie de la Côte Bleue en paysage lunaire est éteint. Il y a quelques jours, alors que le mistral venait à peine de se lever, un feu s'est déclaré au pied du promontoire d'Ansouis. De chez nous on dirait certains jours une sorte d'île. Les Canadairs sont immédiatement arrivés et l'ont éteint en quelques passages. Je me demande également si les techniques de terraformation que certains explorateurs spatiaux rêvent d'utiliser pour coloniser de lointaines planètes ne pourraient pas être expérimentées pour régénérer les environnements détruits sur Terre ou permettre de rendre les déserts fertiles. En ne le faisant pas on cherche peut-être à éviter de nouvelles sources de conflits au sujet de territoires à occuper ou non.