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Portes et Miroirs, tome II
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24 juillet 2010

Explorations

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Levés avant le soleil nous avons conduit Alaïs et Marion à l'aéroport pour leur premier voyage international sans la compagnie d'adultes. Je me souviens que son premier pas, c'est au Portugal qu'Alaïs l'a fait, à Ericeira. Pour fêter son indépendance, c'est vers la Finlande qu'elle se dirige. Grâce à internet je sais que l'appareil qui les conduisait d'abord à Prague est arrivé à l'heure dite. Et si Marion a oublié son téléphone dans ma voiture ce matin, je suppose qu'elles seront deux fois plus attentives à présent.

Comment voyagera-t-on dans vingt ans ? Peut-être que la pratique sera de nouveau réservée -  aux plus riches ou  aux plus libres, qui ne font pas de l'argent et du confort qu'il procure des conditions pour parcourir le globe - pas d'intermédiaire. Renouera-t-on avec la lenteur des paquebots, les trains de nuit ? Le cadeau qui a causé le plus de plaisir à notre fille, c'était pour ses sept ans, l'âge de raison. Nous lui offrions un voyage à Paris, et comme elle en rêvait, nous avions réservé des couchettes dans le train de nuit - qui le prend encore, ce Corail ? Il me semble que c'est pour l'instant l'un de ses plus beaux souvenirs de voyage.

Mais il y a de multiples formes d'explorations. Hier j'ai engrangé un intense souvenir de voyage - en Alechinskie, comme l'écrit Hubert Nyssen dans son opuscule Un Alechinsky peut en cacher un autre. J'ai profité de l'exposition qui se tient jusqu'au mois d'octobre pour y déambuler. Dès les premiers pas, ce qui me frappe ce sont les titres des œuvres - Les racines de l'été, Paysage regardant, Pâle sang bleu, L'incendie du froid, Remuement d'eau - tels des titres d'énigmatiques romans, et oui, des histoires c'est bien ce que je lis, dans le sujet principal souvent enclos dans un cadre dont il peut alors s'échapper, en volutes, en points, en vapeur, en ombre, et surtout en prédelles comme des cartouches égyptiens où les signes  traduisent et complètent l'histoire.

Mais soudain, un plaisant vertige me saisit, j'aborde une salle où je remarque en prémisse un tableau - Marseille-Yokohama - à l'encre sur papier marouflé dont la prédelle, à l'encre aussi, est exécutée sur une carte de navigation aérienne et là, je ne peux pas m'empêcher de sourire et d'avoir les larmes qui me montent aux yeux, d'émotion, pas de tristesse, parce que par l'ouverture sur l'autre salle j'aperçois ce qui va m'emporter - je viens de faire une rencontre.

Exprès, je traîne, j'examine avec une attention exagérée des palimpsestes aux murs - sur des journaux, des factures, des billets, des notes d'un siècle lointain, Alechinsky ajoute une strate à l'histoire que déjà ces documents racontent - je traîne et souris à part moi, le jeune gardien doit me prendre pour une folle ou s'imaginer que c'est lui qui provoque chez moi cet air d'impatience amoureuse mal contenu. Pourquoi donc ? Je ne saurais l'expliquer. Est-ce le format immense, la splendeur de l'encre noire, l'évocation de la mer et d'un voyage dans les confins ? Toujours est-il que lorsque je m'autorise enfin à entrer dans la salle, j'entre en contemplation des quatre panneaux en papier de Chine qui illustrent le périple du Volturno, poussant [...] l'horizon devant lui à grands coups d'hélice

Mon horizon s'élargit encore devant le ciel miraculeusement étoilé de La Mer Noire, plus avant avec les panneaux de la Suite des Bouches du Rhône. Mais si le glacis noir de l'encre de Chine, les mers, les ciels et les fleuves insondables qu'elle me donne à voir, la couleur n'est pas exclue de mes transports - que dire des geysers du Bleu de Delft, des rouges, des verts et des jaunes des marges ouvragées, historiées...

Autre chose me séduit infiniment : c'est d'imaginer le jeune homme qui marche, les yeux au sol comme on le fait lorsque l'on est absorbé dans le geste de marcher, et l'envie d'explorer, qui découvre racines de bambous et diverses écorces, les dessine et laisse monter des intuitions, s'ouvrir les portes de l'esprit.

Reçu un message d'Alaïs et Marion - elles sont bien arrivées à Helsinki et attendent le bus pour Rauma en admirant la vue sous le ciel gris... Elles se débrouillent comme des chefs, pas besoin de faire la mère poule à distance - T'inquiète Huguette, répond ma fille à une énième recommandation. Voilà qui me rassure complètement.

Et le message que j'attendais avec impatience - les deux globe-trotters en herbe sont sereinement installées à Rauma ; c'est beau, même s'il ne fait pas beau, lacs et forêts. La nuit est tombée, pas comme en Islande, il est vrai que la Finlande est plus au sud, pas de nuit blanche.

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