Dans une liste, le temps m'est conté

Chez monsieur Cornette de Saint Cyr décidé à me conter le temps au moyen d'une vente d'objets issus des profondeurs de l'histoire jusqu'à la crête du futur, je me suis demandée ce qui me tenterait le plus : une météorite d'une tonne portant la marque de son entrée dans l'atmosphère, une malachite stalactiforme, une géode de calcédoine, une sphérule de mésolite, un girafon naturalisé, un bœuf musqué d'Alaska, un mammouth de dix mille ans ou bien une tenue légère de cosmonaute ? J'hésite encore, je l'avoue, mais cette liste me plaît et si je m'étais promenée du côté de la salle des ventes Drouot-Montaigne, j'aurais peut-être enchéri. En signe de bienvenue,  m'aurait-on offert un tableau de Courbet ?

Aujourd'hui sort le livre 100 monuments, 100 écrivains, histoires de France, un ouvrage dirigé par Adrien Goetz auquel j'ai contribué sous la forme d'une nouvelle inspirée par le cloître de la cathédrale de Fréjus ; Hubert Nyssen avait choisi la chartreuse de Villeneuve-les-Avignons, Jean-Marie Blas de Roblès le site de Glanum : il me tarde de recevoir mon exemplaire pour lire les quatre-vingt dix-sept autres contributions. Nous avions carte blanche, la seule contrainte formelle étant de ne pas dépasser 3350 signes. Je me suis amusée à rogner, tailler, polir, échanger, ajouter, retrancher jusqu'à tomber pile sur le nombre de signes... je sais, je suis gamine.

Ce soir, devant le poêle rempli jusqu'à la gueule de ceps de vigne, j'ai terminé le travail promis sur le manuscrit de Margaret Ogilvy. En cliquant sur le bouton d'envoi du courrier j'ai éprouvé le sentiment d'une sorte de délivrance... Curieux, j'ai aimé faire ce travail.

Je peste contre le site de Ryanair où j'ai tenté d'enregistrer en ligne les dix-neuf participants au voyage à Londres que j'ai organisé. Patiente et résignée, j'ai rempli un formulaire fleuve ; lorsque j'ai cru voir la lumière au bout du tunnel, on m'a claqué la porte au nez : j'avais mis trop de temps et pour des raisons de sécurité, la page s'était désactivée en effaçant les données. Un travail imbécile, obligatoire, impossible à faire en moins d'une demi-heure. Le casse-tête est chinois, je ne sais pas comment résoudre le problème...

Toute la journée la pluie est tombée. Au péage de l'autoroute, j'engage un brin de conversation avec l'employée que je croise tous les jours :
Il fait beau, n'est-ce-pas ?
Ah, vous pouvez le dire !
Au-moins les jardins seront beaux.
S'ils ne sont pas emportés par une inondation avant.
C'est curieux, tout de même, la propension de nos contemporains à tout voir sous l'angle d'une probable catastrophe, même une simple journée de pluie. C'est vrai que la vie n'est pas rose bonbon et qu'en plus elle finit toujours mal, mais ce n'était qu'un jour de pluie. En tout cas, je ne verrai pas Riga sous la neige ni la banquise sur la Baltique : dommage, j'avais déjà tout imaginé et j'aimais ce que j'avais envisagé...