Chien méchant

Comme hier, la matinée s'ouvre sur un ciel allègre, au loin un ruban de brume serpente au-dessus de la Durance et tout près dans le jardin, pies, geais, huppes, tourterelles vaquent à leurs affaires. A Cadenet, impossible de trouver une place commode ; je me gare à l'entrée du village, ce qui me donne l'occasion de rire devant une pancarte située près de l'école. B* me dit qu'il la voit tous les jours, c'est sans doute pourquoi il ne m'en a jamais parlé. En riant je pose mon barda, fouille mon sac à la recherche de mon appareil-photo et puis j'attends le chien : est-ce un lévrier afghan, un mâtin de Naples, un pitbull, ou un chihuahua ? Non, rien ne vient, je suis un peu déçue, ce doit être un chien de faïence.
Je ne travaille que deux heures ; je suis sur le noeud qui me pose des problèmes. Je l'attaque à coup de ciseaux après avoir tenté une approche plus délicate.
En sortant par le jardin public grand comme un mouchoir de poche, je rencontre deux personnes, pour l'une je suis Bianca, pour l'autre je suis Brigitte. Confusion amusante au soleil sous les branches d'un rosier Banks, cette variété à longue tiges souples dépourvues d'épines et couvertes de boutons jaune pâle ou blancs, frangés, gaufrés et rebondis. Ce que j'ai entendu tantôt à la radio dans une émission sur Orwell me revient en mémoire : comment envisager un homme parfait capable de vivre un avenir dans une utopie alors même qu' il est incapable de se réjouir des beautés minuscules du présent ? Peut-on vivre constamment en armure, arme au poing, la rage au coeur ? Non, aujourd'hui, je me promène nu-pieds dans l'herbe, le nez en l'air : la journée est trop belle même si les nuages se bousculent dans le ciel ; j'aime les ciels d'avril, à peine moins que ceux de mai...