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Portes et Miroirs, tome II
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30 janvier 2009

Commencer la journée, se souvenir, mode d'emploi

Une_tarasque_au_soleil_peut__tre














Sans hâte se lever, attraper le livre que j'avais posé à côté de moi avant de m'endormir, me glisser dans un jean et mon gros pull troué, étoilé façon islandaise, préparer le thé. Ce matin, silence paisible, à part le chat qui me fait la conversation. Il se répète un peu, je lui réponds que oui, je suis exactement là pour lui donner toutes les croquettes qu'il voudra, chaque jour où il voudra bien être là, à l'heure qui lui plaira, c'est une de mes missions sur terre et c'est parfaitement vrai. Je prépare le thé et je vais au jardin. Là je m'arrête, je me fige, je déroule chacune de mes antennes, lentement, délibérément. Je laisse mon corps se rendre compte à quel point il est heureux d'être vivant et là. L'air est vif, le mug de thé brûlant entre mes paumes, l'horizon limpide et lumineux. Au loin on entend un tracteur, tout près des oiseaux, on ne les voit pas mais je sais qui ils sont :  rouges-queues,  rouges-gorges, roitelets, huppes, pas d'étourneaux, ah oui, tourterelles aussi. Je rentre prendre mon appareil photo et je me lance un défi, me rappeler cette scène dans un an. C'est un défi que je m'étais déjà lancé il y a, voyons, j'étais en seconde, j'avais 15 ans, il y a donc 31 ans... Un matin d'hiver aussi, mais il fait nuit, mon père me conduit en voiture au lycée à Aubagne, il passe toujours par des chemins, des ruelles écartés pour éviter les embouteillages de la vallée de l'Huveaune. Nous devons récupérer Jacques, un voisin, il est un peu en retard. Il fait froid, je suis emmitouflée dans un anorak dont la fermeture tirée jusqu'en haut me griffe  le menton, de mes mains gantées j'arrange mon écharpe, j'isole ma peau de ce morceau de plastique  ; il y a des informations à la radio ; je tourne la tête et j'aperçois au bout d'une allée de laurier-tin une fenêtre éclairée : il fait noir, la scène à l'intérieur est distincte, une lampe posée sur une table, halo de lumière jaune, une femme assise devant un bol, elle est immobile, une joue reposant dans sa main. Je me dis très distinctement est-ce que je me rappellerai cette scène l'année prochaine, et dans dix ans, et dans vingt ans ? Visiblement oui, mais pour être honnête, le souvenir s'est fendillé et divisé en tesselles de taille inégale que je rassemble en mosaïque quand je m'en donne l'injonction.

Bien ; c'est l'heure de me mettre au travail.

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